Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les amis de sister amili
27 septembre 2009

Pour l'amour de l'Inde

06 06 81 14 07

 

POUR L’AMOUR DE L’INDE

 

Infirmière anesthésiste au Centre Hospitalier de Mulhouse depuis de nombreuses années, j’ai découvert l’Inde en 2003, à l’occasion d’un séjour humanitaire de six mois. J’ai été bouleversée par cette expérience, et n’ai eu de cesse depuis lors de tenter de rendre à ce pays un peu de tout l’amour qu’il m’a donné. Je reviens d’un troisième séjour en Inde du Sud, totalisant ainsi huit moins de présence dans ce pays. Chaque voyage révèle d’autres facettes de ce pays immense et fascinant et j’ai le sentiment cette fois-ci d’avoir découvert un envers du décor que je souhaite partager avec vous, à travers un portrait de la communauté « dalit » indienne (ex-intouchables).

Cette population est particulièrement vulnérable à plusieurs niveaux : extrême pauvreté favorisant l’illettrisme, surpopulation, manque d’accès à la santé, mauvaise hygiène, travail harassant dans des conditions souvent proches du servage. Ce constat bien qu’affligeant n’entame en rien mon amour pour l’Inde, au contraire, il renforce mon envie de m’investir pour ce pays et ce peuple.

Les dalits (mot hindi signifiant « homme brisé, opprimé ») représentent environ 15% de la population indienne. Ils continuent d’être stigmatisés, opprimés, voire martyrisés, plus de soixante ans après l’indépendance de l’Inde et l’abolition à cette occasion, du système de caste dans la nouvelle Constitution. Largement nié par les autorités, ce système inique ancestral perdure de façon sournoise voire brutale dans certains cas. Le système des castes s’est même infiltré dans les différentes religions auxquelles les anciens intouchables se sont convertis dans l’espoir d’échapper à cette malédiction. Le constat est frappant dans les villages que j’ai visités. La situation s’apparente bel et bien à un apartheid. Chaque village comprenant des dalits se présente en deux parties bien distinctes. Le village principal « ur » est desservi par les transports en commun et bénéficie des infrastructures de l’Etat, alors que le « ceri », où vivent les intouchables, est géographiquement séparé de l’ur et ne bénéficie d’aucune de ces facilités. En pratique, peu ou pas de relations entre les deux, et s’il y en a, elles se situent toujours sur un mode « dominant-dominé », qui peut même se solder par des atrocités commises par les gens de caste pour rappeler aux dalits qu’ils sont nés pour expier un mauvais karma. En effet, les hindous croient à la réincarnation, et le karma (ensemble des actions bonnes ou mauvaises commises lors des vies précédentes) détermine la naissance. On dénie tout simplement aux dalits le droit d’être un être humain. D’où vient cette injustice ? Elle est étroitement liée à la religion majoritaire de l’Inde : l’hindouisme, plusieurs fois millenaire. En effet, selon les croyances religieuses ancestrales, la société est divisée en plusieurs strates socioculturelles, déterminées par la naissance et immuables.

Il y a quatre castes principales, dominées par les brahmanes, issus de la bouche du dieu Brahma. C’est historiquement la caste des prêtres et des lettrés. Viennent ensuite les Kshatriyas et les Vaishyas, respectivement issus des bras et cuisses de ce même dieu. Enfin, les Shudras, issus des pieds de Brahma sont nés pour être les serviteurs de tous les autres. En marge de cette classification, 15% de la population est considérée comme hors-caste ou intouchable. Ils ne sont pas d’essence divine, et à ce titre ils sont considérés comme étant impurs. Comme leur nom l’indique, les gens de caste risquent, à leur contact, d’être souillés spirituellement. Opprimés, humiliés, ils doivent expier dans cette vie terrestre, des fautes censées avoir été commises dans leur vie antérieure. Ce sont à eux que sont dévolus les travaux les plus durs et les plus avilissants, tels que l’équarrissage, le nettoyage des égouts, les soins mortuaires, etc… L’Etat indien leur a octroyé des quotas de places réservées dans les universités et les administrations. Cette discrimination positive n’a pas eu les effets escomptés puisqu’elle suscite haine, jalousie, ainsi qu’un fort sentiment d’injustice de la part des gens de caste. De plus, les dalits convertis à d’autres religions souffrent d’une double disgrâce, puisque leur conversion les place en dehors du système des quotas tout en continuant de les considérer comme intouchables dans la vie quotidienne.

La liste des difficultés rencontrées par cette communauté, par ailleurs si accueillante et étonnamment joyeuse, est longue.

Ma rencontre avec l’association POPE (People Organisation for Planning and Education) a été décisive. Cette petite organisation milite avec beaucoup de courage et de ténacité, mais peu de moyens pour faire valoir les droits de la communauté dalit. Son action s’attache à améliorer les conditions de vie de la communauté dans tous ses aspects, avec un accent particulier mis sur l’éducation, pré-requis indispensable à la compréhension et à la défense des droits. Ainsi, POPE procure soutien scolaire, formation professionnelle, accès à la santé, refuge pour les enfants qu’elle parvient à soustraire au pseudo-servage toujours d’actualité dans les campagnes reculées. En effet, l’extrême pauvreté accule certains parents à envoyer leurs enfants aux champs plutôt qu’à l’école, pour accroître les maigres revenus de la famille mais souvent aussi pour honorer des dettes héréditaires aux taux usuraires. Un des volets majeurs du travail de POPE s’adresse aux femmes, dont la situation est des plus précaires, mais dont la prise de conscience est gage d’une évolution majeure de la société indienne.

L’association « les Amis de SIster Amili » (A.SI.A) créée avec le concours d’amis proches, pour la plupart infirmiers au Centre Hospitalier de Mulhouse, a à cœur de soutenir cette petite association qui fête ses 20 ans d’existence. R.L. Rosario, le fondateur de POPE est un avocat indien, chrétien et néanmoins intouchable, spécialisé dans les droits de l’homme. Il ne ménage pas ses efforts pour venir en aide à sa communauté à laquelle il a consacré sa vie. De par sa profession, il défend gratuitement les cas de violences ou de spoliations perpétrées contre les dalits. Son enthousiasme et sa persévérance ont suscité mon admiration et m’ont rendu attentive aux difficultés particulières des dalits. J’ai pris conscience que cette lutte était essentielle pour que les droits de l’homme, qui se veulent universels, ne soient pas un vain mot pour ces exclus de la société indienne que sont toujours encore les dalits. Ainsi, je suis particulièrement heureuse de pouvoir soutenir les projets de ceux qui, jour après jour, luttent pour rendre à chaque être humain sa dignité et son droit à jouir des effets de la Constitution de son pays, qui prône la liberté et l’égalité pour tous.

Agnès MULLER

Présidente A.SI.A

lesamisdesisteramili@gmail.com
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité